Juan Carmona
Musicien
Le flamenco se transmet par la répétition du geste
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Les Aubagnais n’ont sans doute pas le même regard sur lui que les amateurs de flamenco du monde entier : c’est que Juan Carmona est l’enfant du pays, arrivé tout jeune avec sa famille, scolarisé à l’école Jean Mermoz, son père ouvrier au chantier naval de La Ciotat.
À Aubagne, cet artiste mondialement consacré partage simplement et généreusement son talent de guitariste dès que son calendrier le lui permet : dans les écoles de la ville, sur la scène du Comœdia, à travers le festival des Nuits Flamencas qu’il porte depuis de nombreuses années. C’est qu’à pouvoir le saluer simplement au détour d’une rue ou à la terrasse d’un café, on oublie qu’il est devenu l’un des quelques rares musiciens au monde capables de dialoguer avec les plus grands virtuoses de la musique flamenca bien sûr, mais aussi classique, jazz, brésilienne, orientale…
La liste de ses collaborations est impressionnante, de même que celle de ses récompenses, nominations ou prix internationaux : plusieurs de ses albums sont nommés aux Latin Grammy Awards dans la catégorie « meilleur album flamenco » et il a reçu le grand prix de l’Académie Charles Cros en 2015.
Héritier d’une culture gitane de transmission orale, le jeune Juan a appris la guitare en autodidacte : « Le flamenco se transmet par la répétition du geste : on finit par ne plus regarder son instrument, on le sent, comme on sent très précisément l’intervalle entre les cordes… Apprendre en solitaire demande beaucoup d’efforts et j’ai acquis cette discipline qui me fait encore travailler jusqu’à sept heures par jour lorsque je prépare un concert. »
C’est pendant les années andalouses qu’il passe à Jerez, le berceau de la tradition flamenca, qu’il obtient ses lettres de noblesse, adoubé par les puristes les plus intransigeants. « À Jerez, il est impossible de trahir le mode andalou : la mineur, sol, fa, mi ! Paco de Lucia a créé un énorme scandale en imposant sa façon de jouer jambes croisées. Je savais que pour me faire accepter je devais boire à cette « fuente », cette fontaine ! Je me suis dit que la liberté de s’échapper du cadre n’est pas incompatible, si tu gardes l’âme, l’essence… »
Dès lors, entre tradition et liberté Juan Carmona a trouvé le « sitio », le lieu exact de l’équilibre, qui lui permet d’accéder à la magie, au « duende », en traçant son propre chemin parmi les cultures du monde. Son dernier album, Zyriab, qui associe Ibrahim Maalouf et une pléiade d’artistes venus d’Irak, de Turquie ou du Liban, a été élu meilleur album de l’année par les critiques flamenco. Son prochain voyage sera vers le Rajasthan, pour un grand concert mêlant le flamenco à la musique traditionnelle indienne. L’immense jazzman Al Di Meola lui propose une tournée en trio avec le sicilien Matteo Mancuso… « Aujourd’hui mon parcours me permet de me sentir à l’aise pour improviser avec n’importe qui… J’ai cette curiosité pour les autres cultures depuis mon enfance, mais je reste guitariste flamenco avant tout ! »