Les chapelles des pénitents
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Avant les chapelles, les confréries…
Les pénitents étaient des laïcs et plus simplement des habitants d’Aubagne souhaitant se regrouper au sein d’une confrérie, comme on le fait aujourd’hui dans une association, afin d’y accomplir des rites de dévotion (prier, chanter les offices divins, effectuer ou accompagner des processions) et des actions de charité (entraide entre pénitents lors de maladie ou de revers de fortune, lutte contre l’impiété et la misère). L’activité la plus manifeste consistait à accompagner les défunts en cortèges funèbres vers leur lieu d’inhumation. Les pénitents étaient revêtus d’une chape serrée à la taille par un cordon et portaient une capuche leur couvrant le visage. Ce costume, dissimulant les identités, leur assurait ainsi une parfaite égalité sociale.
Aubagne, avec trois confréries, regroupait au milieu du XVIIIe siècle près d’un millier de pénitents pour une population évaluée à près de six mille habitants. Les Noirs étaient les plus anciens, la création de la confrérie remontant à 1551, puis apparurent les Blancs en 1624 et les Gris en 1672.
La construction des chapelles
La chapelle des Pénitents noirs
Les Pénitents noirs obtinrent donc, en 1551, l’autorisation provisoire de se réunir dans une partie de la chapelle Saint-Michel, située sur les Aires Saint-Michel, et ne servant plus au culte. Après de nombreuses demandes, la concession perpétuelle du lieu leur fut accordée quinze années plus tard. A partir de ce moment, ils agrandirent le bâti en le prolongeant vers l’ouest et ouvrirent une porte d’entrée sur le chemin des Aires Saint-Michel.
Le XVIIIe siècle fut la période de prospérité des confréries. Des travaux d’importance réalisés après la transformation de la chapelle en hôpital pendant la Peste de 1721, marquent avec éclat cette période faste. Ils construisirent à l’est, en 1728, la sacristie sur un terrain nouvellement acheté et en 1784, ils dotèrent l’édifice d’une avant-chapelle à l’ouest, agrémentée d’une façade de style néoclassique. Cette dernière se voulait une réponse réactionnaire à la façade baroque des Pénitents blancs.
Cette façade est un très bel exemple du travail de taille de la pierre réalisé par des artisans aubagnais. Ils étaient dirigés par le frère Richelme, docteur, passionné d’architecture, de sculpture et de mathématiques ; c’est lui qui dessina cette façade. L’élévation présente quatre colonnes d’ordre composite adossées et solidaires à quatre pilastres, donnant ainsi du relief à l’ensemble. La porte d’entrée était ornée à l’origine, dans sa parte supérieure, d’une statuette de Saint Jean-Baptiste, patron de la confrérie. Au centre du tympan, était également sculptée une représentation du Livre des sept sceaux de l’Apocalypse, surmonté de l’Agneau immolé, tandis que le fond était occupé par un soleil traduit en méplat. Les Aubagnais pouvaient encore voir les traces de ces décors au début du XXe siècle, comme l’attestent les cartes postales de cette époque. Ils ont aujourd’hui pour la plupart disparu.
La chapelle des Pénitents blancs
Leur premier lieu de réunion fut la chapelle Saint- Roch, située à l’angle de la rue de l’Egalité et du boulevard Jean Jaurès. En 1644, ils construisirent, derrière l’église de l’Observance, une petite chapelle aujourd’hui disparue. Leur présence donna d’ailleurs un nom à une voie : la rue des Blancs, connue aujourd’hui sous le nom de rue Mireille. Ils restèrent dans les nouveaux quartiers jusqu’en 1763, date à laquelle ils acquirent un terrain non loin des Pénitents noirs pour y construire leur chapelle.
La façade baroque porte le millésime de 1772 et bénéficie encore d’une grande ornementation. La pierre de taille fut utilisée dans l’assise et dans tous les éléments en relief de la chapelle. Son décor est constitué au registre supérieur de deux statues placées dans leur niche: Saint Pierre (à gauche) et Saint Paul (à droite). Un bas-relief occupe la partie centrale et présente la Colombe du Saint-Esprit dans un enroulement de nuages d’où partent les rayons du soleil.
La chapelle des Pénitents gris
Les Pénitents gris furent fondés sur l’initiative de soixante douze frères, le 4 juillet 1672, sous le titre de Notre-Dame de la Miséricorde et de Saint-Joseph. Ils sont souvent appelés les Bourras, du nom provençal de la toile grossière dont leur vêtement était constitué. Ils édifièrent leur chapelle sur un terrain acheté en bordure des remparts, situé au sommet du boulevard Georges Clémenceau. Cette chapelle présente une architecture très sobre, seule la vue d’un clocher-mur et de quelques baies en arc plein cintre indique à l’extérieur sa présence.
Le déclin
La Révolution française faillit être fatale aux confréries de Pénitents qui se virent confisquer tous leurs biens et interdire toute activité pendant quelques années. A partir du milieu du XIXe siècle, les confréries entrent dans une longue période d’agonie. Les Pénitents noirs abandonnent progressivement leur chapelle jusqu’à ce que la Première Guerre Mondiale les en prive définitivement. L’histoire est la même pour la chapelle des Pénitents blancs, également réquisitionnée pour un cantonnement. De plus, il ne reste plus rien de son beau décor intérieur : les Allemands ont tout brûlé lors de la Libération en 1944.
Les chapelles aujourd’hui
Si la confrérie des Pénitents gris connut le même sort funeste que les deux autres, la chapelle est néanmoins restée consacrée au culte et à l’enseignement du catéchisme aux petites filles. Elle est aujourd’hui occupée par l’association Lei Dansaïre de Garlaban pour ses répétitions et ateliers.
La chapelle des Pénitents noirs, a failli connaître des sorts bien différents à son usage actuel. Des projets ont tour à tour voulu en faire un musée du vieil aubagne (1960), une salle de musique (1969) puis un centre permanent d’art plastique (1989). Jusqu’en 2001, elle servit donc d’entrepôt municipal jusqu’à sa réhabilitation en Centre d’Art Contemporain.
Enfin, la chapelle des Pénitents Blancs, recouverte d’un toit en tôle après la Seconde Guerre Mondiale, sert de lieu de stockage et de fabrication pour le service de la Vie des Quartiers.
Le saviez-vous ?
- Les trois chapelles ont été inscrites sur l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques en 1927. Pour celle des Pénitents noirs, cela ne vaut que pour la façade.
- Les pénitents étaient aussi appelés les “frères battus”, parce qu’ils avaient l’habitude de se flageller pendant les processions.
- Les Pénitents gris étaient eux appelé les “Bourras”, du nom provençal de la toile grossière dont leur vêtement était constitué.
- En 2010, des fouilles autour de la chapelle des pénitents noirs a révélé la présence de tombes. En effet, les Aires Saint-Michel ont servi de cimetière dès le Xe siècle, lorsque la chapelle était encore appelée Saint-Michel.