Patrimoine : Les bastides d’Aubagne

En Provence, la bastide était par tradition une belle résidence secondaire, souvent lieu de villégiature en même temps que domaine agricole. Les alentours de Marseille, et Aubagne en particulier, offrent de superbes exemples de ces résidences spectaculaires que de grandes familles, dont la fortune était née du négoce et des activités portuaires, avaient choisi de faire construire au XVIe siècle. Le seul quartier des Solans, au pied du Garlaban, en recèle quelques-unes aux noms évocateurs : Favery, la d’Orléans, l’Olivette, la Joinville, la d’Aumale, la Nemours, la Napollone, la Ramelle, la Bastide bleue…

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La vie dans les bastides constituait un véritable art de vivre : ces demeures offraient souvent un cadre de vie raffiné, sain et reposant aux grandes familles de la bourgeoisie marseillaise, loin de l’effervescence de la grande ville. En plus de leur fonction d’hôtel particulier, les bastides étaient souvent le cœur battant d’une activité agricole avec en premier lieu, la culture des oliviers et de la vigne, qui assurait la prospérité de « l’arrière-pays » provençal. On en dénombre une cinquantaine sur le territoire aubagnais : patrimoine culturel et historique, certaines appartiennent aujourd’hui à la commune ou à l’Etat. D’autres restent des propriétés privées et ont été réhabilitées, pour abriter des activités originales telles que la conception et la fabrication de spiritueux au château des Creissauds, ou bien pour devenir des résidences touristiques au cachet provençal authentique, comme La Royante et la Bastide de Beaudinard. Voici un petit florilège :

Le nom de la Font-de-Mai apparaît déjà dans les actes du XVIe siècle : issu du latin fons-fontis et du provençal font-fouent, il désigne une source naturelle, maï qui signifie « plus » indique une source où l’eau coule toujours. Henri Arnaud en est le propriétaire dans la première moitié du XVIIIème siècle. On y produisait à cette époque l’huile d’olive et chaque année 13 000 litres de vin, cuit, rouge, blanc ou piquette, stockés dans d’énormes cuves en pierre carrelées. Son descendant Emmanuel Jullien fit agrandir la bastide à la fin du XIXe siècle. Les incendies successifs entraîneront l’arrêt définitif des cultures au XXe siècle. En 1997, le domaine est mis en vente et racheté par la Communauté d’Agglomération Garlaban Huveaune Sainte-Baume. Du point de vue architectural, le bâti, les menuiseries et le mobilier intérieur encore en place sont caractéristiques de la maison paysanne provençale simple et rustique, construite en plusieurs étapes selon les besoins de la famille.

En 1814, Raud vend la propriété à Jean-Pierre Reverdit et le fils de ce dernier la revend en 1846 aux minotiers Lescot. Après être passée entre les mains de différents propriétaires, la propriété est rachetée en 1911 par l’Argentine Louise Tondina qui lui donne son nom actuel : Morochita « la petite brune ». Selon la tradition orale, Louise Tondina, aurait épousé Alexandre Honoré BLAIN, un importateur de café marseillais d’origine aubagnaise qui avait fait fortune en Argentine. Elle est néanmoins divorcée lorsqu’elle rachète d’autres parcelles pour agrandir le domaine qui s’étend alors sur 16 hectares. C’est aussi elle qui donne à la bâtisse son aspect actuel en y réalisant de nombreux travaux.

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, la bâtisse accueille une infirmerie et le corps de santé allemands. Après la guerre, la famille russe qui en est propriétaire depuis 1935 en fait une pension de repos ainsi qu’un restaurant. On pouvait alors y voir des clapiers, des poulaillers, des potagers, des vignes ou encore une pinède. En 1957, le domaine est acquis par la SCI La Pointe Rouge et la maison est habitée jusqu’en 1999. Le domaine est vendu en 2004 à la Ville d’Aubagne.

Il ne reste que très peu d’éléments de l’aménagement intérieur originel. Quelques chambres à l’étage présentent encore des tommettes hexagonales ou des carreaux d’argile rose, les autres ont été rénovées au XXème siècle.

Le domaine du château La Demande est connu des Aubagnais pour avoir accueilli la Légion étrangère et le Quartier Viénot, inauguré le 30 avril 1963, mais il est connu dès le XVIème siècle sur ces terres fertiles de la basse vallée de l’Huveaune, dans un quartier qui porte le nom de Camp-Major (le grand champ). Dominique De Demandolx (le nom de Demande est né d’une erreur administrative), Lieutenant général civil à Marseille, hérita à la fin du XVIIIe siècle de la propriété qu’il conserva pendant l’époque révolutionnaire. En 1809, Jean-Philippe Richard se porta acquéreur et ce sont ses enfants, Anatole et Arthur, qui firent réaliser de très importants travaux de réhabilitation et d’agrandissement de la bastide, qui lui donnèrent l’allure d’un véritable château : le château de la Demande.

Monographie sur l’histoire du domaine

En 1719 le propriétaire du grand domaine situé entre Lascours et Aubagne s’appelle François d’Albert de Faveri. En 1810, la propriété de plus de 100 hectares est rachetée aux Seigneuret par Louis Barbarin à qui l’on doit pour l’anecdote la fameuse croix du Garlaban – très pieux, il fait installer la première croix en bois le 3 mai 1826. La maison de maître est entourée de vignes, d’arbres fruitiers, de pinèdes, d’oliviers… On y produit du vin, du raisin sec, des figues sèches, des amandes ou encore des noix. La famille Barbarin agrandit sensiblement le domaine. Ce n’est qu’en 1860, sur décision de François Xavier (dit “Adolphe”) Barbarin, que commence la construction du château de Favary, composé d’une vingtaine de pièces réparties sur trois étages. La chapelle à côté de la maison ne fut édifiée qu’en 1878, et c’est le fils d’Adolphe, Henri, qui célèbre la première messe le 30 juin 1878.

En 1988, la commune acquiert le domaine. Un projet de valorisation touristique et environnemental est brièvement envisagé mais ne voit pas le jour et la bastide est revendue à un particulier en 2002. Son emplacement privilégié au pied du Garlaban et sa flore toujours abondante malgré les incendies de 1918, 1942 et 1979 en font un lieu de villégiature de choix.

Entre 1822 et 1898 la dynastie des Durrand aura acheté des terres aux familles Raud, Michel, Roman, Seigneuret, Devoulx, Camoin, Mélan, Reynaud, Revest, Negrel, Boyer et Sicard pour former la propriété de la D’Orléans, bastide plantée d’oliviers, de vignes et de bois sur l’un des coteaux ensoleillés du Garlaban. Propriétaire de la distillerie Durrand de Picard, Augustin la fait construire en 1885 sur une haute terrasse bordée de platanes. L’aménagement intérieur est fastueux et les jardins en font son originalité. La bastide arrive en 1913 par succession dans la famille Galinier, négociants en marbre. Elle subit le terrible incendie du Garlaban en 1979, l’année même où la famille Pieri, arrivant de l’Isère à la recherche de terres où cultiver des plantes médicinales, se porte acquéreur du domaine. L’exploitation est réorientée vers la culture de l’olivier avec la plantation de plus de 2 000 arbres de la variété aglandau. Gérard Pieri et ses enfants se sont lancés aujourd’hui dans la production d’huile bio issue de leur propre moulin.

Vers 1860, les époux Delanglade, héritiers du domaine de Louis-Charles Surléon de Gautier, effectuent d’importantes transformations sur la bastide. Au premier étage, le plafond du grand salon de réception est mis en relief, animé par le croisement de hautes poutres apparentes. Un grand escalier à cage ouverte ajoute au faste du lieu. Si la façade principale, tournée vers le midi, conserve l’organisation générale des fenêtres du XVIIIe siècle, les Delanglade apposent à l’ensemble la touche propre au goût de l’époque pour les moulures : encadrement des fenêtres et de la porte, motifs sur les linteaux, corniche séparant les étages. Au sommet de chacun des piliers, le buste de madame côtoie celui de monsieur.

Depuis 1978, le domaine est la propriété de l’Association régionale d’aide aux infirmes moteurs cérébraux (ARAIMC) qui y a implanté un établissement de service d’aide par le travail (ESAT) bien connu des habitants.